La responsabilité environnementale des entreprises : un enjeu juridique majeur

Face à l’urgence climatique, le droit se saisit de la question environnementale et impose de nouvelles obligations aux entreprises. Quels sont les contours de cette responsabilité émergente et quels risques encourent les sociétés qui ne s’y conforment pas ?

Le cadre juridique de la responsabilité environnementale

La responsabilité environnementale des entreprises s’inscrit dans un cadre juridique de plus en plus contraignant. Au niveau international, l’Accord de Paris fixe des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ces engagements se déclinent ensuite dans les législations nationales.

En France, la loi relative au devoir de vigilance de 2017 impose aux grandes entreprises d’établir un plan de vigilance pour prévenir les atteintes graves à l’environnement. La loi Climat et Résilience de 2021 renforce quant à elle les obligations de reporting extra-financier.

Au niveau européen, la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD) étend considérablement le périmètre des sociétés soumises à ces obligations de transparence. Le règlement taxonomie vise pour sa part à orienter les investissements vers des activités durables.

Les différentes formes de responsabilité environnementale

La responsabilité environnementale des entreprises revêt plusieurs aspects juridiques. On distingue notamment :

– La responsabilité civile : une entreprise peut être condamnée à réparer les dommages environnementaux qu’elle a causés. Le préjudice écologique est désormais reconnu dans le Code civil.

– La responsabilité pénale : le Code de l’environnement prévoit des sanctions pénales en cas d’infractions (pollution des eaux, atteintes à la biodiversité, etc.). Les peines peuvent aller jusqu’à des amendes de plusieurs millions d’euros.

– La responsabilité administrative : les autorités peuvent imposer des mesures de remise en état ou des sanctions administratives en cas de non-respect de la réglementation environnementale.

Les risques juridiques pour les entreprises

Les entreprises qui négligent leur responsabilité environnementale s’exposent à des risques juridiques croissants :

Risques contentieux : multiplication des actions en justice, notamment les class actions environnementales. L’affaire Shell aux Pays-Bas, condamnée à réduire ses émissions de CO2, illustre cette tendance.

Risques réputationnels : les condamnations pour atteintes à l’environnement peuvent gravement nuire à l’image de marque.

Risques financiers : amendes, dommages et intérêts, mais aussi perte de valeur boursière pour les entreprises cotées.

Risques opérationnels : fermeture de sites, retrait d’autorisations d’exploitation.

Les outils juridiques de prévention

Face à ces risques, les entreprises doivent mettre en place des outils juridiques de prévention :

Due diligence environnementale : audit des risques environnementaux lors des opérations de fusion-acquisition.

Chartes éthiques et codes de conduite intégrant des engagements environnementaux.

Clauses contractuelles imposant le respect de normes environnementales aux fournisseurs et sous-traitants.

Systèmes de management environnemental certifiés (ISO 14001).

Vers une responsabilité élargie des dirigeants

La responsabilité environnementale tend à s’étendre aux dirigeants d’entreprise à titre personnel. Ils peuvent être poursuivis pour :

Faute de gestion en cas de négligence des risques environnementaux.

Mise en danger de la vie d’autrui si les activités de l’entreprise créent un risque grave pour la santé ou la sécurité.

Tromperie en cas de greenwashing ou de communication mensongère sur les performances environnementales.

L’essor du contentieux climatique

Une nouvelle forme de contentieux se développe : les procès climatiques. Des citoyens, ONG ou collectivités attaquent en justice des États ou des entreprises pour inaction face au changement climatique.

L’affaire Urgenda aux Pays-Bas a ouvert la voie en 2015, contraignant l’État néerlandais à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. En France, l’Affaire du Siècle a abouti à la condamnation de l’État pour carences fautives dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Les entreprises sont désormais ciblées. Outre l’affaire Shell, on peut citer la plainte contre Total pour manquement à son devoir de vigilance climatique.

Les perspectives d’évolution du droit

Le droit de la responsabilité environnementale est en constante évolution. Plusieurs pistes se dessinent :

– Reconnaissance d’un crime d’écocide au niveau international pour sanctionner les atteintes les plus graves à l’environnement.

– Élargissement du devoir de vigilance à toutes les entreprises, pas seulement les plus grandes.

– Renforcement des obligations de transparence sur l’empreinte carbone des produits et services.

– Développement de la responsabilité élargie du producteur à de nouveaux secteurs.

La responsabilité environnementale des entreprises est devenue un enjeu juridique majeur. Les risques encourus incitent les sociétés à intégrer pleinement cette dimension dans leur stratégie et leur gouvernance. Le droit joue ainsi un rôle moteur dans la transition écologique du monde économique.